vendredi 5 octobre 2012

Je me souviens

Je n'avais pas 20 ans.
C'était la première fois que je perdais un ami.
Un accident d'auto sur le pont qui mène à l'Ile d'Orléans.
Il était à peine plus jeune que moi, mais tellement en avance que j'ai cru que je ne l'aurais jamais rattrapé.
C'était, je crois, la première fois que je pleurais un mort.
Comme on peut pleurer un mort quand on est jeune.
Je me souviens de son enterrement.
De la marguerite minable que je tenais à la main.
De l'avoir jeté avec hargne dans le trou béant dans lequel reposait son cercueil.
Je lui en voulais d'être mort.
Je lui en voulais peut-être, à tort, d'être encore vivant.
J'étais jeune et j'ignorais encore que je serais aussi utile.
Et, ce soir, alors que mon utilité pâlit, je me sens pâlir aussi.
J'arrive vieux frère.
Avec la peine immense que provoque ton autre frère qui me renie aujourd'hui.
Je vaux mieux que lui.
Une certitude qui ne soulage en rien cette impression que la mort qui m'envahit laisse dans mon corps.
Ceux que j'aime auront de la peine.
Pas moi.
Les morts ne sentent plus rien.

la justice du néant

6 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. J'aime parfois m'apitoyer sur mon sort : ça fait partie du personnage.

    l'épreuve d'artiste

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  3. Je profite de l'occasion, je n'attendrai pas que tu sois mort pour te dire combien tu vas me manquer (si tu pars avant moi bien sûr, qui sait ?)

    Et oui tu as été utile, d'abord à ta famille (à ton fils homo notamment pour ta compréhension). Et de par ton travail, ton immense générosité, tu es quelqu'un de bien, que j'admire.

    Je t'aime (mais je ne te demanderai jamais de faveurs sexuelles, n'ait crainte.

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  4. j'ai écrit ça pendant que mon mari s'approchait vers moi, il est TOUJOURS LÀ ! heureusement qu'il n'avait pas ses lunettes, il aurait pu être jaloux.

    Ça explique aussi pourquoi je n'ai pas fermé ma parenthèse alors je le fais ici)

    Bien dommage que le frère du de cujus ne te parle plus ! Il ne sait pas ce qu'il manque.

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  5. Merci de m'avoir évité une confrontation avec un mari qui aurait pu être jaloux.

    le pleutre devant l'écran

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